Dj PiGi de Paris

De l'avenir des discothèques et des DJs

 

La mutation des lieux de danse :

En quarante ans, le nombre de discothèques a chuté de 70% en France, passant de 4000 dans les années 80 à quelques 1200 aujourd'hui (sources : BFMTV - LE PARISIEN - Union des métiers et des industries de l'hôtellerie). On compte près d’un millier de fermetures durant la dernière décennie. Engager des DJs célèbres au salaire de plus en plus élevé est, pour les grands établissements restants, une surenchère qui peut précipiter leur faillite.  La crise sanitaire actuelle ne va certainement pas améliorer le tableau : combien vont survivre économiquement et pouvoir de nouveau ouvrir ? Sur "Leboncoin" des annonces de mise en vente commencent à fleurir.

Les évolutions successives des mœurs, des comportements musicaux et des habitudes de sorties, notamment le samedi soir, y sont pour beaucoup : « Il y a eu les discothèques dans les années 80, puis les multiplexes dans les années 90 et ces dernières années, les habitudes ont changé. Il y a trente ans, pour rencontrer des gens, il fallait sortir en boîte et on attendait le moment des slows. Aujourd'hui, tout se fait sur internet. Et puis, les jeunes recherchent davantage des lieux faciles d'accès, où l'on peut rester une demi-heure, une heure et repartir ». On zappe sur les lieux comme on zappe sur la playlist musicale d'une plateforme de streamingLa façon de consommer le divertissement, mais aussi l’alcool, les drogues et toutes sortes de « speeds », s’est elle aussi considérablement modifiée… La rapidité envahit ces secteurs comme tous les autres de nos sociétés pressées: tout et toujours plus vite !

Discotheque

Aujourd’hui pour survivre il faut se diversifier, on ouvre plus tôt car aux boîtes de nuit sont désormais préférés les bars à ambiance musicale, ouverts dès la sortie du travail ou de l’université, à 19 heures et « beaucoup de ces boîtes de nuit se sont ainsi transformées pour proposer des spectacles, concerts, voire se sont lancées dans la restauration… Les trentenaires ne se retrouvaient plus dans les discothèques avec des soirées tardives jusqu'au lendemain matin. S'ils veulent de la musique, ils préfèrent un endroit plus petit, cosy, plus calme où ils peuvent se retrouver pour discuter entre amis »

Une mutation qui doit s'accompagner, de changements réglementaires, sur les politiques sonores, les transports nocturnes, la sécurité.

Mais cet effort constant d’adaptation, comme au moment de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, suffira-t-il à sauver les établissements restants, et ses DJs ? Car dans cette transformation, les DJs vont aussi devoir changer leur manière de se produire.

 

L’opinion d’un Dj d’expérience, Dj Shuba-K :

(à propos des discothèques) « Plus besoin de slows, de Zouk, pour rencontrer et draguer, le public fait tout directement sur les réseaux sociaux. Avec l’arrivée de Tinder et de tous les autres sites de rencontres. Plus de temps à perdre et beaucoup moins d’argent à dépenser. Avant le public arrivait avant minuit et allait directement sur le dancefloor pour danser. Ils achetaient une ou plusieurs bouteilles qu’ils faisaient durer toute la nuit pour faire la fête. Aujourd’hui la majorité des boites ouvrent à minuit et les gens restent assis à se toiser jusqu’à 2h, heure à laquelle l’ambiance commence timidement à démarrer et où les gens passent plus de temps à se filmer, filmer leurs grosses bouteilles plutôt qu’à "vraiment" danser et faire la fête. Avant la musique était plus audible, plus mélodieuse et moins forte que maintenant. Le public venait aussi pour rencontrer des gens et il pouvait donc plus facilement s’entendre et discuter. Maintenant la musique y est assourdissante à cause des systèmes sons et aux styles de musique que l’on y joue. La musique n’est plus vraiment mélodieuse, le public ne veut que de l’énergie et de la puissance. C’est pour cela qu’à notre époque, les producteurs masterisent en écrasant toutes les crêtes des tracks, afin que les morceaux soient constamment très forts. Tout cela annonce la fin d’une époque… »

Sk

Dj depuis 2002, Dj Shuba-k interpelle les DJs de la façon suivante :

« Et toi dans tout ça... Pour mixer as-tu vraiment envie et besoin d’aller t’enfermer dans une boîte ?

• Où la puissance du son finira par te rendre sourd ?

• Où tu n’aimes pas forcément la musique que tu y mixes ? 

• Où les gens se comportent bizarrement et parfois te manquent de respect ?

• Où tu es payé moins cher qu'une bouteille d'alcool ?

Tout ça pour au final être décalé et aller te coucher quand le reste du monde se lève…

• C’est vraiment ça le but de ta vie ? 

• Tes valeurs sont-elles en accord avec ce milieu-là ?

• Est ce pour ça que tu as commencé la musique ? »

 

L’opinion de Dj PiGi :

DjpigiSpotsDevenir un bon Dj, heureux de ce qu’il fait, en accord avec sa musique et ses valeurs… tout un programme! 

Durant la crise sanitaire, l’activité musicale s’est vue paralysée : bars et lieux de fête fermés, aucun concert avec un public en présence directe, seulement du virtuel, par écrans et web interposés. La perte financière est énorme, mais, heureusement l’attente de nouveaux moments de fête sera certainement aussi grande et porteuse pour tous ceux qui seront au rendez-vous une fois le virus écarté. Il est inenvisageable d'enlever à l'être humain son défouloir festif, vous savez cette petite soupape indispensable à notre vie sociale...

Je pense qu'il faut profiter de ce moment charnière pour se projeter en avant et repenser son futur. Depuis cette crise sanitaire, les débats sur la qualité de vie et l'avenir de notre planète semblent vouloir flirter ensemble et tempérer les ardeurs du capitalisme dévorant. En tant que Dj quel est (sont) votre (vos) projet(s) ?

Pour ma part, j’ai envie de dire : laissons les grands lieux, les festivals et les grands médias aux "DJs Stars", vous savez cette catégorie de DJs apparue avec le 3ème millénaire : le "Dj Producteur". Tu es jeune, plein d’ambition et capable de maîtriser les logiciels dédiés à la production musicale et les réseaux sociaux, lance-toi, tu peux peut-être te faire un nom et gagner beaucoup d’argent. Tu as peut-être le talent nécessaire.

Moi je suis déjà vieux et la musique reste pour moi un partage d’émotions rythmé d’énergie (une belle formule non ?). Mon rêve de Dj est de créer un lieu simple mais convivial, "cosy-care", agréable à fréquenter, à l’ambiance travaillée vers l’art et le bien-être. Dans ce lieu les candidats Dj auront la liberté de s’exprimer en jouant les musiques qu’ils souhaitent durant le temps qui leur sera offert. Le public sera invité en mode découverte.

Rentable, viable ? Je ne sais pas. Mais quand une ambiance est là, il se passe toujours quelque chose de bien, de bon.

Cosyclub

La musique électronique comprend de nombreux courants, plus ou moins mélodiques, plus ou moins durs, simples ou plus difficiles à écouter. Faire vivre tout cela ensemble est un vrai défi. En France, on a l'habitude des mélanges et nos grands DJs du moment n’hésitent pas à franchir les limites de leur style de prédilection : une musique « électro-fusion » ne serait pas pour me déplaire (mes propres sets sont rarement « unicolores »). Une seule exigence pour moi : éviter la violence que certaines personnes trimbalent avec eux, je la déteste !

Dans ce club à dimension d'homme plutôt que de foule on placera quelques ingrédients comme le sourire, la passion et le partage pour mettre du bien-être dans nos fêtes.

Dj PiGi de Paris - Juillet 2020

 

 

Date de dernière mise à jour : 12/07/2022

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